Synthèse du PNF – Réussir la lecture à voix haute en classe dans le premier et le second degré (mardi 13 déc. 2022)

Focus sur les interventions de François Busnel et de Grégoire Borst

« S’engager au service de la lecture à voix haute »

Focus sur une intervention François Busnel, producteur de l’émission « La Grande librairie » et présentateur du concours « Si on lisait à voix haute »


1- Faire lire : un réel objectif


• Beaucoup se joue à l’adolescence.
• Les jeunes ont besoin de nous voir lire. Ils le feront par mimétisme.
• Il est nécessaire de rassembler les forces afin de défendre cette cause nationale :
enseignants, libraires, bibliothécaires et médias.
• L’émission « La grande librairie », lancée en 2008, a pour volonté première de réussir à faire lire ceux qui pensent que la lecture n’est pas pour eux. Dans ce cadre, la création du concours « Si on lisait à voix haute » a pour but d’amener les candidats à la lecture ; il s’agit d’un réel enjeu de société.
• La forme du concours a un effet important sur les candidats : passer par le jeu se révèle bien « plus motivant que l’exercice de la conviction de l’adulte sur le jeune ». Ce concours ne concerne d’ailleurs pas seulement les littéraires, mais bien souvent ceux qui n’ont pas de livres chez eux et qui considèrent que lire est difficile.


2- Les avantages de la lecture à voix haute


• Découvrir des livres
• Redécouvrir le plaisir de la lecture
• Partager le plaisir du texte : la lecture à voix haute rassemble les élèves.
• Apprendre la syntaxe et la grammaire
• Se réapproprier des règles simples, parfois oubliées.
• Mieux se comprendre soi-même, sortir de soi : « on voit des jeunes d’une timidité maladive se dépasser » et opérer un mouvement allant de la timidité à l’éloquence.


3- Par où commencer ?


• Trouver le bon ton, le souffle : la lecture dépend de quelque chose de très trivial : le corps.
Son apprentissage devrait « aussi mobiliser les professeurs d’EPS ».
• Être sincère : ne pas être théâtral ni démonstratif.
Cela paraît très important « dans un monde où la sincérité n’est plus » : on se masque sur les réseaux sociaux, on joue un rôle dans la société, mus par le désir de plaire. La lecture, au contraire, permet d’aller chercher des émotions qui ne sont pas feintes. Un livre peut apporter une idée qui nous manque, peut permettre de poser les mots sur l’indicible de ce que l’on ressent.

4- Pour conclure

« La lecture ne sert à rien », ce qui est « plutôt heureux dans un monde où tout est fondé sur l’utilité, le rendement […]. C’est précisément ce qui fait la beauté de l’acte de lire. On peut tout à fait vivre sans, mais moins bien. »


Lecture à voix haute et cerveau : l’apport des neurosciences

Focus sur une intervention de Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation (Université de Paris) et Directeur du Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’éducation de l’enfant (LaPsyDÉ – CNRS)


Problématique : Quel est l’impact de la lecture à voix haute sur le cerveau et sur l’accès au sens ?


1- La puissance du système alphabétique


• 20 à 50 phonèmes, 60 000 à 100 000 mots
• Pour apprendre à lire, il faut d’abord apprendre les correspondances grapho-phonémiques (= associations graphèmes et phonèmes), puis passer au décodage de cela, puis à l’auto-apprentissage.
Ex : Harry Potter et le Prince de sang mêlé, JK Rowling = 70 000 mots = 70 000 situations d’apprentissage
• Les enfants dyslexiques lisent en 1 an ce que les non-dyslexiques lisent en 2 jours.
• La dyslexie est un trouble neurologique qui s’amplifie avec le temps.


2- Lire repose sur un réseau universel d’aires cérébrales.


• Beaucoup de zones sont communes au langage écrit et oral : les deux apprentissages sont complémentaires.
• Lire implique plusieurs étapes : décoder ce qui est écrit > repérer des phonèmes > verbaliser
• La lecture est un outil culturel, c’est pourquoi son apprentissage est difficile, car le cerveau n’est pas fait pour ça.
• Il faut 4 ans pour devenir un bon décodeur.
• Lorsqu’on est bon décodeur, on a besoin de moins de ressources cognitives pour décoder, on a donc plus de possibilités de les mobiliser pour comprendre ce qu’on lit.


3- Apprendre à lire laisse une empreinte indélébile sur le cerveau.


• L’hétérogénéité de l’apprentissage est une norme, mais les mêmes mécanismes sont impliqués pour tout le monde.
• Quand on apprend à lire, on apprivoise certaines zones du cerveau et on les habitue progressivement.
• Il existe 2 blocs dans la maîtrise de la lecture :
– La reconnaissance des mots,
– La compréhension du langage oral.• A 36 mois, un enfant défavorisé aura entendu 525 mots, contre 1200 pour un enfant favorisé.


4- Quelques principes issus de la recherche


• Fréquence : il faut entendre régulièrement des mots employés dans des contextes différents.
• Intérêt : les enfants apprennent ce qui les intéresse.
• Interaction : les échanges entre enfants et adultes sont des occasions d’apprendre.
• Diversité : il est important d’être en contact avec plusieurs types de mots, plusieurs structures syntaxiques.
⚠ La lecture ne se cantonne pas à un apprentissage scolaire, elle appartient également aux champs périscolaire et extrascolaire.


5- Qualité de lecture à haute voix et capacité de compréhension


• Il existe un lien entre lecture à voix haute et capacité de compréhension, mais pas un lien de cause à effet ; on parle davantage de corrélation.
• Ce lien entre qualité de lecture à voix haute et capacité de compréhension est extrêmement ténu en primaire. Il l’est moins au collège.
• Il y aurait un certain bénéfice à imaginer la prosodie du langage pendant la lecture silencieuse.


6- Apprendre la lecture renforce le processus de haut niveau impliqué dans tous les apprentissages.


• Apprendre à lire permet de développer de meilleures capacités littéraires et scientifiques, favorise l’acquisition de nouveaux outils culturels.
• Lire de la fiction permettrait de développer les « théories de l’esprit » et donc des compétences émotionnelles.


7- L’importance de la mémoire de travail


• Lire implique d’activer des informations et de manipuler ces informations. C’est pourquoi il est essentiel d’avoir bien acquis le décodage pour permettre une bonne compréhension.
• Le même phénomène est observable pour la prosodie.


8- Quelques ressources pour aller plus loin


Sites :
le21dulapsyde.com
lapsyde.com
Ouvrages :
Dehaene, Plos Biology, 2018
Golinkoff, Child Development, 2018Schwaneflugel, Journal of Educational Psychology, 2004
Yidrimet, International Journal of Primary, Elementary et Early years Education, 2018
Zhou et Christianson, QJEP, 2016
Kidd et Castano, Science, 2013