En 2002, la chorégraphe Blanca Li sort son film Le Défi, film dans lequel jouent Blanca Li, Benjamin Chaouat, Sofia Boutella, Amanda Lear, Marco Prince et Christophe Salengro. Le film n’a certes pas remporté le prix du scénario le plus original mais il saura séduire les amateurs de danse. Le cadre et le ton du film ne sont pas sans rappeler la célèbre pièce de la chorégraphe Macadam Macadam, sortie en 1999. On y retrouve l’univers urbain avec la rampe qui sert de décor à la pièce et les scènes d’acrobaties en BMX mais aussi l’humour de l’artiste à travers le personnage décalé d’Eléna.
Et si le véritable défi de ce film n’était pas celui du jeune David et de son groupe les UCB (Urban Cyber Breakers) : « remporter la sélection pour la World Battle de New York », mais plutôt le défi de Blanca Li de rendre hommage à la danse et au hip hop.
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Une référence explicite aux grandes comédies musicales
Le scénario s’inspire explicitement de West Side Story. L’intrigue principale s’appuie sur le conflit de générations qui oppose David à sa mère Eléna dont il se sent incompris. La belle Samia dont il est amoureux lui annonce derrière les grilles du lycée qu’elle ne pourra participer à la battle, ses parents ayant découvert leur idylle. Ce sera l’occasion pour nos nouveaux Roméo et Juliette de rejouer « la scène du balcon » sur les escaliers de secours de l’immeuble. Ne nous le cachons pas, le scénario est surtout un hommage rendu à la célèbre comédie musicale de Jérôme Robbins et Robert Wise. Et s’il fallait encore vous convaincre, il suffit de regarder une des premières scènes entre Elena, incarnée par Blanca Li et son amie, jouée par Amanda Lear, au restaurant, scène qui ouvre sur une chorégraphie de mambo/salsa. Ne rappelle-t-elle pas, par sa composition et son organisation de l’espace, la scène de bal dans West Side Story ?
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Les références et hommages ne s’arrêtent pas là puisque le « LD », groupe rival des « UCB », va trouver son inspiration dans les vidéos d’Elena avec Fred Astaire, Gene Kelly et les Nicholas Brothers qui séduisent les jeunes danseurs par leur duo acrobatique de claquettes. Grâce au DJ, ils danseront d’ailleurs leur chorégraphie finale sur une version remasterisée et mixée de Singing in the rain, comédie musicale déjà mise à l’honneur par la chorégraphe dans la pièce Macadam Macadam.
Un hymne à la culture Hip Hop
Les premières images du film donnent le ton. Dès le générique, on assiste à une séance de break devant la Tour Eiffel, au Trocadéro, lieu de rencontre privilégié pour les adeptes de la discipline depuis les années 80. Le film ne se limite cependant pas à une exhibition de break. Il met en relief toute la richesse de cette culture que Rashead Amenzou définit ainsi dans son livre Zoom, L’Univers de la danse Hip Hop.
« Nous pouvons comparer le hip hop à un arbre. Ses racines, son tronc, ses branches et ses feuilles.
Les racines sont vastes et profondes. Elles trouvent leurs origines dans les danses et percussions africaines, dans le jazz, les claquettes, le funk, et même dans les arts martiaux….
L’énergie artistique, créatrice, et cette envie irrépressible de créer et de se surpasser en sont la base, le tronc en haut duquel se divisent plusieurs branches telles que le rap, la danse, le graffiti et le deejaying. »
Le film de Blanca Li, nous donne à voir les multiples facettes de la culture Hip Hop. On y retrouve les différents aspects des cultures urbaines pré-citées avec un accent mis sur la danse Hip Hop dans toute sa richesse et sa diversité : du travail au sol avec les breakers à la danse debout avec le locking et le popping (certains utiliseront le terme smurf). Ainsi l’œuvre met en évidence l’importance du « training » pour se dépasser et réaliser des mouvements qui demandent une force d’athlète et la dextérité des gymnastes.
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Il révèle également l’esprit d’ouverture de cet art perméable aux influences multiculturelles de la cité (esprit d’ouverture que l’on retrouve en musique chez Afrika Bambaataa, membre de Zulu Nation, qui promeut les valeurs positives du Rap, notamment dans son titre : Peace, Unity, Love and Having fun). On voit ainsi David se laisser inspirer lors d’une balade par les arts martiaux, les danses indiennes, orientales, les rythmes africains jusqu’à se retrouver encadré par deux agents des forces de l’ordre et entamer une « vague ». Le film ne cesse de construire des ponts entre les générations et les espaces.
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Si entamer une vague à plusieurs, une « chaîne électrique », comme dans la séquence vidéo, vous tente et que vous voulez, vous aussi, vous essayer au hip hop, vous pouvez suivre la leçon de Sidney, dans la célèbre émission H.I.P H.O.P du 19 février 1984. Le « défi » était l’un des rendez-vous majeurs de l’émission. Vous en avez un exemple dans la suite de la vidéo.
Difficile en effet d’imaginer un film sur la danse hip hop sans battle. Cette dernière est le moment tant attendu du film. Avec le DJ au platine et le maître de cérémonie, elle est le moment de démonstration de la virtuosité des artistes et surtout un moment de plaisir partagé. Et pourtant ce passage, comme bien d’autres moments du film, n’est pas tourné sans humour.
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Le comique pour dénoncer les clichés
Le personnage de la mère, Eléna, est porteur de la charge comique du film. Elle est le personnage caricatural de ce long métrage. De bourgeoise endimanchée, elle finit « déguisée » en hip-hoppeuse. Elle est la figure de l’excès. Ainsi sa peur exagérée lorsqu’elle se retrouve face aux « LD » la pousse à se débarrasser de ses bijoux, de son sac alors que rien ne lui était demandé. Ce sera au contraire l’occasion de découvrir de jeunes artistes curieux et pleins de talent. Les séquences accélérées accompagnent ces décalages comiques et proposent une chorégraphie proche du cinéma muet. Cette cadence met en évidence de manière humoristique les clichés sur l’image de la femme dans la cuisine comme dans le cours d’aérobic.
Cet humour déjanté atteint son paroxysme dans la scène de fin où l’on voit Blanca Li voler dans les airs dans une figure improbable et grâce à un effet volontairement visible.
Un hommage à la danse et au cinéma
S’il n’y avait pas eu ces images, nous serions peut-être passés à côté de cet hommage à la danse et au cinéma. Pourtant ces deux arts sont intimement liés. Au-delà de la référence au cinéma muet, il est difficile de passer à côté de la référence à Shazam de Philippe Découflé. Outre la présence de Christophe Salengro, célèbre danseur de la compagnie DCA, les pirouettes effectuées par Elena à la fin du film rappellent étrangement celles du court métrage de Découflé ABRACADABRA (1998). Ainsi, avec cette référence, elle ponctue son film avec un clin d’œil aux deux arts.
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Alors, défi relevé pour Blanca Li qui nous offre à travers ce film un panorama de la culture du hip hop et de la danse, un art qui se partage, s’enrichit, se nourrit en renouant avec ses racines, en s’ouvrant au monde.
Delphine Wissocq, misionnée par la DAAC du Rectorat de Lille auprès de la CASEAD.
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